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La Provence et la Catalogne: deux soeurs à l’histoire entrelacente

  • thementontimes
  • Feb 17, 2022
  • 4 min read

“Je bois à la Catalogne, notre sœur! à l’Espagne, notre amie! À la France, notre mère.” Ces quelques mots sortirent tout du droit du discours félibrigéen qu’eut tenu le très grand Frédéric Mistral en 1868. Intitulé Ço que voulèn (“Ce que nous voulons”), le poète provençal y fait l’éloge de notre belle Provence et espère raviver l’esprit nationaliste qui quelques décennies plus tôt anima chacun de ses habitants. Il blâme les capitales de Paris et Madrid pour élever des enfants dans le dédain de leurs coutumes maternelles. Frédéric Mistral n’est autre que le visage de la Provence, un homme qui se battu corps et âmes pour une renaissance du Provençal, pour la reconnaissance d’une langue mourrante qui fût jadisse celle d’un peuple fier et libre.


Des Grecs fondateurs de la colonie de Massalia (Marseille) aux Romains instigateurs de la Pax Romana et à l’origine des theâtres, des acqueducs, des thermes, et des amphithéâtres dans la région en passant par les Ostrogoths, les Mérovingiens, et les Carolingiens, tous eurent une influence sur la Provence que nous connaissons aujourd’hui. C’est cependant au peuple barcelonais et à l’amitié catalane que cet article rendra hommage. Une histoire dont les premières traces remontent à l’année 1125, date à laquelle un traité est signé établissant un comté de Provence au Sud sous l’autorité de la Maison de Barcelone et un au Nord sous domination toulousaine. Le Rhône devient pour la première fois une frontière politique. Le royaume des Catalans s’étale désormais de Barcelone jusqu’aux Alpes. Cette période historique marque aussi le début d’échanges inter-culturels entre les deux peuples, échanges qui perdurent encore aujourd’hui. Si les drapeaux barcelonais et provençal sont très ressemblants, ce n’est pas un hasard. En effet, le journaliste Charles Cartigny affirme que le plus ancien sceau portant les armoiries aux quatres pals sur fond d’or n’est pas catalan mais bien provençal. Il est conservé aux Archives Départementales des Bouches-du-Rhône. Lors de son règne en Provence, le comte Bérenger auraient ramené cette armoirie en Catalogne et l’aurait proclamé en tant qu’emblème officiel de son royaume, donnant naissance aux quatres bandes horizontales de couleur rouge sur fond doré.


La politique d’expansion que menèrent les Catalans au XIIIe siècle se traduisit par une catalanisation des territoires occupés. Les Catalans installèrent une forte administration notamment à Aix-en-Provence qui perdurera jusqu’en 1501, date à laquelle le Parlement d’Aix-en-Provence est réformé à la suite de l’annexion de la Provence par le puissant roi de France Louis XVI. Les Catalans rendirent aussi obligatoire l’apprentissage de leur langue. Ainsi, au XIIIème siècle toute la côte méditerranéenne parla catalan et ce ne fut pas sans influencer les dialectes locaux qui pendant un siècle d’occupation se mélangèrent doucement à la langue administrative. Aujourd’hui, on retrouve encore des traces du catalan dans le provençal moderne si bien que certains linguistes le considèrent comme un dialecte occitan. La question “parlez-vous français?” se traduit par “parlatz francés?” en provençal et par “parles francès” en catalan. On y voit bien les similitudes.


En 1867, Victor Balaguer, écrivain Catalan, se révolte contre le rattachement de la Catalogne à la couronne d’Espagne. Menacé de mort, il s’exile avec sa famille et est chaleureusement accueilli par les félibriges, de fiers Provençaux. L’amitié entre Occitans et Catalans sera solennellement scellée le 30 juillet 1867 par la remise par les Catalans d’une coupe d’argent, créée par l'Avignonnais Fulconis qui refusa d’être payé pour son travail lorsqu’il apprit la destination et le sens de cette coupe. Quel beau symbole d’amitié entre deux peuples! Cette coupelle représente deux femmes. L’une d’elles, la Provence a posé son bras droit autour du cou de la Catalogne comme pour lui marquer son amitié tandis que la Catalogne a mis sa main droite sur son cœur en guise de remerciement. Ce tendre geste amical inspira Frédéric Mistral qui écrivit Coupo Santo dans lequel il décrit les Catalans comme des lointains frères et perpétue une amitié qui perdure encore aujourd’hui.


La diversité linguistique permet d’échapper à la pensée unique. Frédéric Mistral en été convaincu lorsqu’il fonda en 1854 le Félibrige, une association littéraire s’assurant la défense des cultures régionales traditionnelles. Il y écrivit le Tresor dou Felibrige qui reste à ce jour le dictionnaire le plus riche de la langue occitane. A l’heure actuelle, nous ne disposons d’aucune enquête officielle pour mesurer la pratique du provençal. Après hypothèses, on oscille entre un nombre de 100,000 à 400,000 personnes capable de parler sur les 4,5 millions de Provençaux. Précisons que ces statistiques ne comprennent pas les personnes capables de comprendre plus ou moins la langue car comme souligne justement Alain Barthélemy “le provençal habite dans la tête d’un nombre notable de nos concitoyens mais il en sort plus difficilement.” En quelques chiffres, le provençal est le deuxième dialecte le plus parlé en France et est présent dans 32 départements même si des variations régionales sont à noter.


Le provençal se remet tout doucement de la période linguicide fin XIXe siècle où les châtiments corporels avait pour but de rendre honteux son usage. Parmis les punitions, on retrouvait un usage fréquent des coups de régle sur les doigts lorsqu’un élève parlait dans sa langue régionale. C’est ainsi que l’on constate dans de nombreuses régions la coexistence de la génération des arrières-grands-parents monolingues, des grands-parents bilingues mais dont la langue maternelle n’était pas le français, celle des parents bilingues passifs et enfin celle des enfants monolingues francophones après 1960. Cependant, nous voyons aujourd’hui des signes annonciateurs de changement aussi petits soit ils. Qui aurait cru voir la création d’un professorat de langues régionale avec son propre concours de recrutements? Qui aurait cru voir la télévision française s’ouvrir aux langues de France? Qui aurait cru même voir des politiciens commencer à réfléchir à des solutions pour encourager leur pratique? L’héritage provençal est là, et il ne faut pas chercher bien loin pour le trouver. Il subsiste dans une hybridation avec le français. Escamper, rouster, garrouile, pèguer, brayer, certains mots provençaux sont quasiment même passés dans l’usage national comme fadat, fondut, et minot. La langue provençale est loin d’être morte même si son nombre de locuteurs est en déclin. Les politiques linguicides du gouvernement français sont les principales responsables de ce déclin, une chute que son homologue catalan n’a pas ou peu connu.


- Tom Mansuy

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